De la même façon qu’un Céline ou un Queneau ont tenté de transposer dans leurs oeuvres le français parlé de leurs contemporains plusieurs romanciers espagnols de la seconde moitié du XXe siècle dans un effort de mimesis de la réalité ont cherché à reproduire le discours parlé espagnol dans la bouche de leurs personnages Disons-le dès à présent cette tentative d’écriture du discours oral ne peut être que partielle et imparfaite par rapport à l’oralité de la vie réelle l’oralité transcrite en littérature est forcément une vision réduite voire réductrice de celle-ci elle est avant tout au service d’un projet romanesque défini et contribue à la caractérisation des personnages selon l’optique voulue par le romancier Aussi vaudrait-il mieux parler de construction d’une certaine oralité chez le romancier qui se traduit par le choix spécifique de quelques traits récurrents dans le langage parlé Parmi les marques d’oralité représentées une des plus frappantes et largement utilisées est celle qui a trait à l’ordre des constituants de la phrase On s'intéressera ici au phénomène de dislocation d’un constituant phrastique par rapport à une collocation syntaxique considérée comme canonique VIGARA TAUSTE 1992 72-73 Du point de vue de la grammaire traditionnelle ces phénomènes relèvent d’un effet de style d’un dés-ordre marqué ou figuré qui s’écarte d’un ordre logique et naturel présupposé Ainsi la Real Academia Española qualifie d’ hyperbate et de figure de construction tout agencement phrastique qui diffère de celui tenu pour normal ou régulier RAE 1986 400 Il est vrai que de tels phénomènes syntaxiques sont attestés dès la littérature du Moyen Âge et qu’il s’agit de procédés couramment employés en poésie Cependant si ces perturbations au niveau de l’ordre des mots relèvent de figures de construction employées essentiellement en poésie et en littérature comment expliquer qu’elles aient lieu également et de façon récurrente à l’oral ? C BALLY à propos de certaines structures disloquées en français associe d’emblée ces phénomènes syntaxiques à la problématique de l’oralité en y reconnaissant le type fondamental de la phrase parlée BALLY 1970 315 Que dire dès lors des dislocations rencontrées dans les oeuvres de notre corpus ? Faisant partie d’un projet d’écriture visant à donner l’illusion d’une réalité discursive voisine de celle du lecteur ces constructions disloquées peuvent être perçues comme une des manifestations possibles d’oralité dans l’oeuvre nous chercherons après avoir proposé une brève définition de la dislocation à rendre compte des mécanismes conceptuels auxquels elle renvoie Néanmoins s’agissant également de littérature ce procédé subit des réductions et transformations en fonction de la vision romanesque de l’auteur L’équation qui relie la dislocation à l’oralité est donc de nature imparfaite elle peut révéler notamment des traitements stylistiques propres aux auteurs comme nous le verrons pour finir
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